The Project Gutenberg EBook of Histoire des Voyages de Scarmentado by Voltaire (#9 in our series by Voltaire) Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg eBook. This header should be the first thing seen when viewing this Project Gutenberg file. Please do not remove it. Do not change or edit the header without written permission. Please read the "legal small print," and other information about the eBook and Project Gutenberg at the bottom of this file. Included is important information about your specific rights and restrictions in how the file may be used. You can also find out about how to make a donation to Project Gutenberg, and how to get involved. **Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts** **eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971** *****These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!***** Title: Histoire des Voyages de Scarmentado Author: Voltaire Release Date: December, 2003 [EBook #4718] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on March 6, 2002] Edition: 10 Language: French Character set encoding: ISO-Latin-1 *** We thank the Bibliotheque Nationale de France that has made available the image files at www://gallica.bnf.fr, authorizing the preparation of the etext through OCR. Nous remercions la Biblioth�que Nationale de France qui a mis � dispositions les images dans www://gallica.bnf.fr, et a donn� l'authorization � les utilizer pour preparer ce texte. OEUVRES DE VOLTAIRE. TOME XXXIII DE L' IMPRIMERIE DE A. FIRMIN DIDOT, RUE JACOB, N� 24. OEUVRES DE VOLTAIRE PR�FACES, AVERTISSEMENTS, NOTES, ETC. PAR M. BEUCHOT. TOME XXXIII. ROMANS. TOME I. A PARIS, CHEZ LEF�VRE, LIBRAIRE, RUE DE L'�PERON, K� 6. WERDET ET LEQUIEN FILS, RUE DU BATTOIR, N� 2O. MDCCCXXIX. HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO Pr�face de l'�diteur Le prospectus des fr�res Cramer, pour leur �dition de 1756, comprend les trois romans _Les deux consol�s_, _Histoire des voyages de Scarmentado_, _Le songe de Platon_, au nombre des _morceaux neufs_ qu'ils allaient publier. Cependant la table chronologique qui est dans le tome LXX de l'�dition in-8�de Kehl range les _Voyages de Scarmentado_ � l'ann�e 1747. Longchamp[i] dit qu'ils furent compos�s en octobre 1746, avec plusieurs autres romans, pendant la retraite de Voltaire � Sceaux. S'il fallait en croire Colini[ii], Voltaire aurait �crit les Voyages de Scarmentado apr�s l'aventure de Francfort, en 1753. �Encore froiss� des injustices qu'il venait d'�prouver, il composa les Voyages de Scarmentado, conte ing�nieux, qui renferme des allusions visiblement applicables aux �v�nements dans lesquels il avait figur�.� C'est au lecteur � prononcer si ce roman contient les allusions dont parle Colini. Pour moi, je ne les y ai point aper�ues. [i] _M�moires_, etc., page 140. [ii] _Mon s�jour_, etc., page 61. Une �dition de la Princesse de Babylone, qui parut en 1768 , est pr�sent�e comme une Suite des Voyages de Scarmentado. ------ Les notes sans signature, et qui sont indiqu�es par des lettres, sont de Voltaire. Les notes sign�es d'un K sont des �diteurs de Kehl, MM. Condorcet et Decroix. Il est impossible de faire rigoureusement la part de chacun. Les additions que j'ai faites aux notes de Voltaire ou aux notes des �diteurs de Kehl, en sont s�par�es par un--, et sont, comme mes notes, sign�es de l'initiale de mon nom. BEUCHOT. 4 octobre 1829. HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO, �CRITE PAR LUI-M�ME. 1756. Je naquis dans la ville de Candie, en 1600. Mon p�re en �tait gouverneur; et je me souviens qu'un po�te m�diocre, qui n'�tait pas m�diocrement dur, nomm� _Iro_[1], fit de mauvais vers � ma louange, dans lesquels il me fesait descendre de Minos en droite ligne; mais mon p�re ayant �t� disgraci�, il fit d'autres vers o� je ne descendais plus que de Pasipha� et de son amant. C'�tait un bien m�chant homme que cet Iro, et le plus ennuyeux coquin qui f�t dans l'�le. [1] Anagramme de Roi, po�te n� avec des talents que son penchant pour la satire, les aventures qui en furent la suite, sa jalousie contre les hommes de la litt�rature qui lui �taient sup�rieurs, avilirent et rendirent malheureux. Le ballet des _�l�ments_ et l'op�ra de _Callirho�_ sont les seuls de ses ouvrages qui lui aient surv�cu: il mourut vieux, et avait fini par se faire d�vot. K. Mon p�re m'envoya, � l'�ge de quinze ans, �tudier � Rome. J'arrivai dans l'esp�rance d'apprendre toutes les v�rit�s; car jusque-l� on m'avait enseign� tout le contraire, selon l'usage de ce bas monde, depuis la Chine jusqu'aux Alpes. Monsignor Profondo, � qui j'�tais recommand�, �tait un homme singulier, et un des plus terribles savants qu'il y e�t au monde. Il voulut m'apprendre les cat�gories d'Aristote, et fut sur le point de me mettre dans la cat�gorie de ses mignons: je l'�chappai belle. Je vis des processions, des exorcismes, et quelques rapines. On disait, mais tr�s faussement, que la signora Olimpia, personne d'une grande prudence, vendait beaucoup de choses qu'on ne doit point vendre. J'�tais dans un �ge o� tout cela me paraissait fort plaisant. Une jeune dame de moeurs tr�s douces, nomm�e _la signora Fatelo_, s'avisa de m'aimer. Elle �tait courtis�e par le r�v�rend P. _Poignardini_, et par le r�v�rend P. _Aconiti_, jeunes prof�s d'un ordre qui ne subsiste plus: elle les mit d'accord en me donnant ses bonnes gr�ces; mais en m�me temps je courus risque d'�tre excommuni� et empoisonn�. Je partis, tr�s content de l'architecture de Saint-Pierre. Je voyageai en France; c'�tait le temps du r�gne de Louis-le-Juste[2]. La premi�re chose qu'on me demanda, ce fut, Si je voulais � mon d�jeuner un petit morceau du mar�chal d'Ancre, dont le peuple avait fait r�tir la chair[3], et qu'on distribuait � fort bon compte � ceux qui en voulaient. [2] Louis XIII eut d�s son enfance , dit Voltaire, le surnom de Juste, pai'cequ'il �tait n� sous le signe de la Balance. Voyez tome XIX, _Le Si�cle de Louis XIV_, chapitre 2. B. [3] Voyez: tome XVIII, page 177. B. Cet �tat �tait continuellement en proie aux guerres civiles, quelquefois pour une place au conseil, quelquefois pour deux pages de controverse. Il y avait plus de soixante ans que ce feu, tant�t couvert et tant�t souffl� avec violence, d�solait ces beaux climats. C'�taient l� les libert�s de l'�glise gallicane. H�las! dis-je, ce peuple est pourtant n� doux: qui peut l'avoir tir� ainsi de son caract�re? Il plaisante, et il fait des Saint-Barth�lemi. Heureux le temps o� il ne fera que plaisanter! Je passai en Angleterre: les m�mes querelles y excitaient les m�mes fureurs. De saints catholiques avaient r�solu, pour le bien de l'�glise, de faire sauter en l'air, avec de la poudre, le roi, la famille royale, et tout le parlement, et de d�livrer l'Angleterre de ces h�r�tiques. On me montra la place o� la bienheureuse reine Marie, fille de Henri VIII, avait fait br�ler plus de cinq cents de ses sujets. Un pr�tre ibernois m'assura que c'�tait une tr�s bonne action: premi�rement parceque ceux qu'on avait br�l�s �taient Anglais; en second lieu parcequ'ils ne prenaient jamais d'eau b�nite, et qu'ils ne croyaient pas au trou de saint Patrice[4].Il s'�tonnait surtout que la reine Marie ne f�t pas encore canonis�e; mais il esp�rait qu'elle le serait bient�t, quand le cardinal neveu aurait un peu de loisir. [4] Sur le trou de Saint-Patrice , voyez tome XXXII, page 177; et dans les _M�langes_, ann�e 1763, la septi�me des _Lettres sur les miracles_. B. J'allai en Hollande, o� j'esp�rais trouver plus de tranquillit� chez des peuples plus flegmatiques. On coupait la t�te � un vieillard v�n�rable lorsque j'arrivai � La Haye. C'�tait la t�te chauve du premier ministre Barneveldt, l'homme qui avait le mieux m�rit� de la r�publique. Touch� de piti�, je demandai quel �tait son crime, et s'il avait trahi l'�tat. Il a fait bien pis, me r�pondit un pr�dicant � manteau noir; c'est un homme qui croit que l'on peut se, sauver par les bonnes oeuvres aussi bien que par la foi. Vous sentez bien que, si de telles opinions s'�tablissaient, une r�publique ne pourrait subsister, et qu'il faut des lois s�v�res pour r�primer de si scandaleuses horreurs. Un profond politique du pays me dit en soupirant: H�las! monsieur, le bon temps ne durera pas toujours; ce n'est que par hasard que ce peuple est si z�l�; le fond de son caract�re est port� au dogme abominable de la tol�rance, un jour il y viendra: cela fait fr�mir. Pour moi, en attendant que ce temps funeste de la mod�ration et de l'indulgence f�t arriv�, je quittai bien vite un pays o� la s�v�rit� n'�tait adoucie par aucun agr�ment, et je m'embarquai pour l'Espagne. La cour �tait � S�ville, les galions �taient arriv�s, tout respirait l'abondance et la joie dans la plus belle saison de l'ann�e. Je vis au bout d'une all�e d'orangers et de citronniers une esp�ce de lice immense entour�e de gradins couverts d'�toffes pr�cieuses. Le roi, la reine, les infants, les infantes, �taient sous un dais superbe. Vis-�-vis de cette auguste famille �tait un autre tr�ne, mais plus �lev�. Je dis � un de mes compagnons de voyage: A moins que ce tr�ne ne soit r�serv� pour Dieu, je ne vois pas � quoi il peut servir. Ces indiscr�tes paroles furent entendues d'un grave Espagnol, et me co�t�rent cher. Cependant je m'imaginais que nous allions voir quelque carrousel ou quelque f�te de taureaux, lorsque le grand-inquisiteur parut sur ce tr�ne, d'o� il b�nit le roi et le peuple. Ensuite vint une arm�e de moines d�filant deux � deux, blancs, noirs, gris, chauss�s, d�chauss�s, avec barbe, sans barbe, avec capuchon pointu, et sans capuchon; puis marchait le bourreau; puis on voyait au milieu des alguazils et des grands environ quarante personnes couvertes de sacs sur lesquels on avait peint des diables et des flammes. C'�taient des juifs qui n'avaient pas voulu renoncer absolument � Mo�se, c'�taient des chr�tiens qui avaient �pous� leurs comm�res, ou qui n'avaient pas ador� Notre-Dame d'Atocha[5], ou qui n'avaient pas voulu se d�faire de leur argent comptant en faveur des fr�res hi�ronymites. On chanta d�votement de tr�s belles pri�res, apr�s quoi on br�la � petit feu tous les coupables; de quoi toute la famille royale parut extr�mement �difi�e. [5] Sur Notre-Dame d'Atocha, voyez dans les _M�langes_, ann�e 1769, une des notes de Voltaire sur son _Extrait d'un journal_ (ou M�moires du Dangeau). B. Le soir, dans le temps que j'allais me mettre au lit, arriv�rent chez moi deux familiers de l'inquisition avec la sainte Hermandad: ils m'embrass�rent tendrement, et me men�rent, sans me dire un seul mot, dans un cachot tr�s frais, meubl� d'un lit de natte et d'un beau crucifix. Je restai l� six semaines, au bout desquelles le r�v�rend p�re inquisiteur m'envoya prier de venir lui parler: il me serra quelque temps entre ses bras, avec une affection toute paternelle; il me dit qu'il �tait sinc�rement afflig� d'avoir appris que je fusse si mal log�; mais que tous les appartements de la maison �taient remplis, et qu'une autre fois il esp�rait que je serais plus � mon aise. Ensuite il me demanda cordialement si je ne savais pas pourquoi j'�tais l�. Je dis au r�v�rend p�re que c'�tait apparemment pour mes p�ch�s. Eh bien! mon cher enfant, pour quel p�ch�? parlez-moi avec confiance. J'eus beau imaginer, je ne devinai point; il me mit charitablement sur les voies. Enfin je me souvins de mes indiscr�tes paroles. J'en fus quitte pour la discipline et une amende de trente mille r�ales. On me mena faire la r�v�rence au grand-inquisiteur: c'�tait un homme poli, qui me demanda comment j'avais trouv� sa petite f�te. Je lui dis que cela �tait d�licieux, et j'allai presser mes compagnons de voyage de quitter ce pays, tout beau qu'il est. Ils avaient eu le temps de s'instruire de toutes les grandes choses que les Espagnols avaient faites pour la religion. Ils avaient lu les m�moires du fameux �v�que de Chiapa[6], par lesquels il para�t qu'on avait �gorg�, ou br�l�, ou noy� dix millions d'infid�les en Am�rique pour les convertir. Je crus que cet �v�que exag�rait; mais quand on r�duirait ces sacrifices � cinq millions de victimes, cela serait encore admirable. [6] Las Cases: voyez tome XVII, pages 399, 426; et tome XXXII, pages 490-91. B. Le d�sir de voyager me pressait toujours. J'avais compt� finir mon tour de l'Europe par la Turquie; nous en pr�mes la route. Je me proposai bien de ne plus dire mon avis sur les f�tes que je verrais. Ces Turcs, dis-je � mes compagnons, sont des m�cr�ants qui n'ont point �t� baptis�s, et qui par cons�quent seront bien plus cruels que les r�v�rends p�res inquisiteurs. Gardons le silence quand nous serons chez les mahom�tans. J'allai donc chez eux. Je fus �trangement surpris de voir en Turquie beaucoup plus d'�glises chr�tiennes qu'il n'y en avait dans Candie. J'y vis jusqu'� des troupes nombreuses de moines qu'on laissait prier la vierge Marie librement, et maudire Mahomet, ceux-ci en grec, ceux-l� en latin, quelques autres en arm�nien[7]. Les bonnes gens que les Turcs! m'�criai-je. Les chr�tiens grecs et les chr�tiens latins �taient ennemis mortels dans Constantinople; ces esclaves se pers�cutaient les uns les autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et � qui leurs ma�tres donnent des coups de b�ton pour les s�parer. Le grand-vizir prot�geait alors les Grecs. Le patriarche grec m'accusa d'avoir soup� chez le patriarche latin, et je fus condamn� en plein divan � cent coups de latte sur la plante des pieds, rachetables de cinq cents sequins. Le lendemain le grand-vizir fut �trangl�; le surlendemain son successeur, qui �tait pour le parti des Latins, et qui ne fut �trangl� qu'un mois apr�s, me condamna � la m�me amende, pour avoir soup� chez le patriarche grec. Je fus dans la triste n�cessit� de ne plus fr�quenter ni l'�glise grecque ni la latine. Pour m'en consoler, je pris � loyer une fort belle Circassienne, qui �tait la personne la plus tendre dans le t�te-�-t�te, et la plus d�vote � la mosqu�e. Une nuit, dans les doux transports de son amour, elle s'�cria en m'embrassant, _Alla, Illa, Alla!_ ce sont les paroles sacramentales des Turcs; je crus que c'�taient celles de l'amour: je m'�criai aussi fort tendrement, _Alla, Illa, Alla!_ Ah! me dit-elle, le Dieu mis�ricordieux soit lou�! vous �tes Turc. Je lui dis que je le b�nissais de m'en avoir donn� la force, et je me crus trop heureux. Le matin l'iman vint pour me circoncire; et, comme je fis quelque difficult�, le cadi du quartier, homme loyal, me proposa de m'empaler: je sauvai mon pr�puce et mon derri�re avec mille sequins, et je m'enfuis vite en Perse, r�solu de ne plus entendre ni messe grecque ni latine en Turquie, et de ne plus crier, _Alla, Illa, Alla_, dans un rendez-vous. [7] Voyez tome XVI, page 493. B. En arrivant � Ispahan on me demanda si j'�tais pour le mouton noir ou pour le mouton blanc. Je r�pondis que cela m'�tait fort indiff�rent, pourvu qu'il f�t tendre. Il faut savoir que les factions du _mouton blanc_ et du _mouton noir_[8] partageaient encore les Persans. On crut que je me moquais des deux partis; de sorte que je me trouvai d�j� une violente affaire sur les bras aux portes de la ville: il m'en co�ta encore grand nombre de sequins pour me d�barrasser des moutons. [8] Voyez tome XVI, page 478. B. Je poussai jusqu'� la Chine avec un interpr�te, qui m'assura que c'�tait l� le pays o� l'on vivait librement et gaiement. Les Tartares s'en �taient rendus ma�tres[9], apr�s avoir tout mis � feu et � sang; et les r�v�rends P�res j�suites d'un c�t�, comme les r�v�rends P�res dominicains de l'autre, disaient qu'ils y gagnaient des �mes � Dieu, sans que personne en s�t rien. On n'a jamais vu de convertisseurs si z�l�s; car ils se pers�cutaient les uns les autres tour-�-tour: ils �crivaient � Rome des volumes de calomnies; ils se traitaient d'infid�les et de pr�varicateurs pour une �me. Il y avait surtout une horrible querelle entre eux sur la mani�re de faire la r�v�rence. Les j�suites voulaient que les Chinois saluassent leurs p�res et leurs m�res � la mode de la Chine, et les dominicains voulaient qu'on les salu�t � la mode de Rome[10]. Il m'arriva d'�tre pris par les j�suites pour un dominicain. On me fit passer chez sa majest� tartare pour un espion du pape. Le conseil supr�me chargea un premier mandarin , qui ordonna � un sergent qui commanda � quatre sbires du pays de m'arr�ter et de me lier en c�r�monie. Je fus conduit apr�s cent quarante g�nuflexions devant sa majest�. Elle me fit demander si j'�tais l'espion du pape, et s'il �tait vrai que ce prince d�t venir en personne le d�tr�ner. Je lui r�pondis que le pape �tait un pr�tre de soixante-dix ans[11]; qu'il demeurait � quatre mille lieues de sa sacr�e majest� tartaro-chinoise; qu'il avait environ deux mille soldats qui montaient la garde avec un parasol; qu'il ne d�tr�nait personne, et que sa majest� pouvait dormir en s�ret�. Ce fut l'aventure la moins funeste de ma vie. On m'envoya � Macao, d'o� je m'embarquai pour l'Europe. [9] Voyez tome XVIIl, page 457. B. [10] Sur les querelles des c�r�monies chinoises, voyez, tome XX. le chapitre XXXIX du _Si�cle de Louis XIV_. B. [11] Innocent X, qui a r�gn� de 1644 � 1655. B. Mon vaisseau eut besoin d'�tre radoub� vers les c�tes de Golconde. Je pris ce temps pour aller voir la cour du grand Aureng-Zeb, dont on disait des merveilles dans le monde: il �tait alors dans Delhi. J'eus la consolation de l'envisager le jour de la pompeuse c�r�monie dans laquelle il re�ut le pr�sent c�leste que lui envoyait le sh�rif de la Mecque. C'�tait le balai avec lequel on avait balay� la maison sainte, le _caaba_, le _beth Alla_. Ce balai est le symbole du balai divin qui balaie toutes les ordures de l'�me. Aureng-Zeb ne paraissait pas en avoir besoin; c'�tait l'homme le plus pieux de tout l'Indoustan. Il est vrai qu'il avait �gorg� un de ses fr�res et empoisonn� son p�re; vingt ra�as et autant d'omras �taient morts dans les supplices; mais cela n'�tait rien, et on ne parlait que de sa d�votion. On ne lui comparait que la sacr�e majest� du s�r�nissime empereur de Maroc, Muley Ismael[10], qui coupait des t�tes tous les vendredis apr�s la pri�re. [12] Voltaire a parl� d'Aureng-Zeb et de Muley Ismael, tome XVIII, page 420; voyez aussi la table de ce tome XVIII. B. Je ne disais mot; les voyages m'avaient form�, et je sentais qu'il ne m'appartenait pas de d�cider entre ces deux augustes souverains. Un jeune Fran�ais, avec qui je logeais, manqua, je l'avoue, de respect � l'empereur des Indes et � celui de Maroc. Il s'avisa de dire tr�s indiscr�tement qu'il y avait en Europe de tr�s pieux souverains qui gouvernaient bien leurs �tats et qui fr�quentaient m�me les �glises, sans pourtant tuer leurs p�res et leurs fr�res, et sans couper les t�tes de leurs sujets. Notre interpr�te transmit en indou le discours impie de mon jeune homme. Instruit par le pass�, je fis vite seller mes chameaux: nous part�mes le Fran�ais et moi. J'ai su depuis que la nuit m�me les officiers du grand Aureng-Zeb �tant venus pour nous prendre, ils ne trouv�rent que l'interpr�te. Il fut ex�cut� en place publique, et tous les courtisans avou�rent sans flatterie que sa mort �tait tr�s juste. Il me restait de voir l'Afrique, pour jouir de toutes les douceurs de notre continent. Je la vis en effet. Mon vaisseau fut pris par des corsaires n�gres. Notre patron fit de grandes plaintes, il leur demanda pourquoi ils violaient ainsi les lois des nations. Le capitaine n�gre lui r�pondit: Vous avez le nez long, et nous l'avons plat; vos cheveux sont tout droits, et notre laine est fris�e; vous avez la peau de couleur de cendre, et nous de couleur d'�b�ne; par cons�quent nous devons, par les lois sacr�es de la nature, �tre toujours ennemis. Vous nous achetez aux foires de la c�te de Guin�e, comme des b�tes de somme, pour nous faire travailler � je ne sais quel emploi aussi p�nible que ridicule. Vous nous faites fouiller � coups de nerfs de boeuf dans des montagnes, pour en tirer une esp�ce de terre jaune qui par elle-m�me n'est bonne � rien, et qui ne vaut pas, � beaucoup pr�s, un bon ognon d'Egypte; aussi quand nous vous rencontrons, et que nous sommes les plus forts, nous vous fesons labourer nos champs, ou nous vous coupons le nez et les oreilles. On n'avait rien � r�pliquer � un discours si sage. J'allai labourer le champ d'une vieille n�gresse, pour conserver mes oreilles et mon nez. On me racheta au bout d'un an. J'avais vu tout ce qu'il y a de beau, de bon, et d'admirable sur la terre: je r�solus de ne plus voir que mes p�nates. Je me mariai chez moi: je fus cocu , et je vis que c'�tait l'�tat le plus doux de la vie. FIN DE L'HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO. *** End of The Project Gutenberg EBook of Histoire des Voyages de Scarmentado by Voltaire ******This file should be named hstrd10.txt or hstrd10.zip****** Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, hstrd11.txt VERSIONS based on separate sources get new LETTER, hstrd10a.txt Produced by Carlo Traverso. *** Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. We are now trying to release all our eBooks one year in advance of the official release dates, leaving time for better editing. 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